Symphonie du Nouveau Monde

Publié le par Patrice Alzina

Symphonie du Nouveau Monde

J'avais 16 ans ...

Le terrible soleil de l'été toulousain estompait ses ardeurs, noyant dans les derniers rayons du jour façades et quais de briques roses: "fleur de corail que le soleil arrose" comme chantait Nougaro.

L'Orchestre du Capitole donnait un concert en plein air sur la Prairie des Filtres, vaste parc en bord de Garonne, poumon de fraîcheur des Toulousains.

Soudain, Michel Plasson, le chef charismatique, lança les premières notes de la Symphonie du Nouveau Monde de Dvorak, et ce fut l'éblouissement !

La musique créait alors pour moi des images qui s'imposent encore aujourd'hui à chacune de mes écoutes de l'oeuvre.

Bien des années plus tard, j'ai essayé de mettre en mots ces fulgurances que je vous offre à présent,

Si vous connaissez cette symphonie, peut-être en avez-vous une autre interprétation, alors, si ces images ne sont pas les vôtres, pardonnez-moi de vous les proposer.

Si vous ne la connaissez pas encore, écoutez-la, plongez-y, découvrez-la. Vous n'en sortirez pas indemne !

Vous pouvez aussi, si le coeur vous en dit, ne découvrir que des fragments de l'oeuvre, vous n'aurez aucun mal à en trouver des enregistrements sur internet, (puis-je avouer ma tendresse toute particulière pour le 2ème mouvement?), chaque mouvement peut s'écouter seul, et le poème qui lui correspond se lire séparé des autres.

(les titres donnés à chaque mouvement sont personnels)

Symphonie du Nouveau Monde

1er mouvement  Adagio  Allegro molto

 

"1492"

 

 

Symphonie du Nouveau Monde

 

Immense est l'océan aux flancs des caravelles,

Et lent le temps qui passe aux hommes embarqués

Si loin du port d'attache, vers des terres nouvelles

Où nul ne sait si Dieu s'est jamais reposé.

 

Voici soudain les cieux noircissant sous l'orage,

Le vent remplit les voiles gonflées à éclater,

Les vagues déferlantes accourues du grand large

S'écrasent aux carènes des bateaux malmenés.

 

Les hommes ébranlés s'entravent sur les ponts,

On amène les focs, on tire des bordées,

De lourds paquets saumâtres remontés des grands fonds

Inondent les marins aux muscles tatoués.

 

Mais il leur semble alors ouïr dans les rafales

Des airs des temps anciens qu'ils croyaient oubliés,

Et dans ces âmes rudes se réveillent des bals

D'antan dont les musiques vont au vent se mêler.

 

Sardanes, tarentelles, reviennent aux mémoires

Des matelots mariés aux flots tumultueux,

Et tels des feux follets soudain chargés d'espoir,

Ils narguent en dansant l'océan séditieux.

 

Un cri s'élève alors, hurlé depuis la hune,

La frénésie s'empare des marins assemblés,

Et l'horizon se pare du relief fantasmé

D'une côte inconnue éclairée par la lune.

Symphonie du Nouveau Monde

2ème mouvement     Largo

 

"Dans la plaine"

Symphonie du Nouveau Monde

L'astre du jour descend, immuable et paisible,

Sur la plaine éternelle aux confins infinis,

Et les femmes s'activent à l'orée des tipis

Préparant le repas des guerriers invincibles.

 

Autour du feu de camp d'où s'élèvent, légères,

De fines fumerolles emportées par le vent,

Les vieux Sioux à la peau ravinée par le temps

Marmonnent, graves, les prières coutumières.

 

Là-haut, un éclaireur tapi sur la colline

Veille d'un oeil perçant sur l'horizon lointain,

Pendant que les mustangs aux humides babines

Hennissent aux pensées des courses de demain.

 

Mais bientôt, aux abords des montagnes de roches,

Des nuées de poussière s'élèvent vers les cieux:

Un troupeau de bisons sauvages qui s'approche

Comme les âmes immortelles des aïeux.

 

Et les ombres s'allongent au sol d'un condor

Laissant planer ses ailes dans la fraîcheur du soir,

Comme pour habiller cet enfant nu qui dort

Des plumes que son père convoite pour la gloire.

 

Le chef se dresse alors, debout, face au couchant,

Levant les bras au ciel en pieuse adoration

Devant le dieu soleil, puis, en prosternation,

Salue le jour offrant ses derniers flamboiements.

Symphonie du Nouveau Monde

3ème mouvement     Scherzo

 

"Vers l'ouest"

Symphonie du Nouveau Monde

Dessus la plaine aride hérissée de rochers,

Le Pacific Express étire ses wagons,

Et l'énorme machine noyée dans les fumées

Souffle, grince et tempête sous le soleil de plomb.

 

Des cavaliers l'assaillent, lancés au grand galop,

Fiers coursiers accourant sus au cheval de fer,

Les reîtres effrontés lancent haut leurs chapeaux

Et tirent vers le ciel des feux de winchester.

 

Là-bas dans la prairie, des marées de troupeaux

Piétinent l'herbe rase de leurs vagues bestiales

Et meuglent longuement, étirant leurs naseaux

Vers les vents frais courant les hauteurs sidérales.

 

Le train s'arrête au quai de la ville perdue.

Quelques baraquements bordent l'unique rue.

On entend du saloon des échos de bastringue,

Des chants, des coups de poing assénés sur le zinc.

 

Dans le lointain s'élèvent les nuées de poussière

D'un convoi de chariots traînant des émigrants

Aux regards enfiévrés, à l'espoir haletant

De l'or promis, au loin, dans les flots des rivières.

 

Pionniers, ils sont partis, poursuivant le soleil

Vers des contrées où nul n'a vu un homme blanc.

Seulement guidés par l'astre du ciel couchant,

Ils rêvent aux demains rutilant de merveilles.

Symphonie du Nouveau Monde

4ème mouvement  Allegro con fuoco

 

"New York"

Symphonie du Nouveau Monde

Un matin blême vient secouer

La ville qui ne dort jamais.

 

Le vacarme incessant des camions, des taxis,

Sirènes des polices, alarmes des pompiers,

Entraînent Big Apple dans une frénésie

Où s'allume la vie de l'immense cité.

 

Chacun court et se presse, chacun s'agite et crie,

En un fracas constant New York s'esbaudit,

Times Square tourbillone sous les feux des néons,

Broadway succombe au rythme des ballets et chansons.

 

C'est un phare, jour et nuit allumé sur le monde

Où se brûlent parfois les ailes de papillons

Ambitieux, trop pressés de danser dans la ronde

De l'argent, de la gloire et d'un pouvoir abscons.

 

Mais la cité mégalomane inassouvie

Pétrie dans son orgueil de reine de la terre

Se veut aussi Madone aux portes de la mer,

Abritant sous sa torche réfugiés et proscrits.

 

Elle est Tour de Babel au tumulte incessant,

Ou phénix moribond et toujours renaissant,

Et fantasme inondant les rêves des enfants,

Et port de liberté dans les yeux des migrants.

Symphonie du Nouveau Monde

                           Dès la rentrée universitaire prochaine, la poésie figurera au programme des enseignements de Cannes Université.

L'institution cannoise m'a en effet confié l'organisation d'une série de cours groupés en Atelier que j'ai intitulé "Poésie Française Contemporaine".

Il s'agira de 7 conférences mensuelles, entre octobre et avril.

Au cours du programme que j'ai élaboré, nous esquisserons un panorama de la vie poétique actuelle dans notre pays, et nous insisterons sur ce qui se crée sur la Côte d'Azur. Nous traiterons de poésie et chanson française, de poésie et enfance, aborderons plusieurs des thèmes chéris des poètes,en faisant une large place aux lectures de textes contemporains. Les auteurs étrangers francophones ne seront pas oubliés, et nous intégrerons en fin d'année certaines créations des auditeurs.

Ainsi, la poésie trouvera sa juste place au sein des enseignements déjà si riches et si divers de Cannes Université, allant entre autres de la préhistoire à l"histoire de l'art, de la psychologie à l'apprentissage des langues, ou à l'égyptologie ...

http://cannes-universite.fr

Symphonie du Nouveau Monde

textes:  Patrice Alzina

photos 2ème et 3ème mouvement:  Julien Tallerie

autres photos: Catherine et Patrice Alzina

A bientôt les amis !!!!!!!!!!!!!!!!!

Symphonie du Nouveau Monde

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